Qu'est devenu Gopher ?

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histoire gopher

Vous est-il déjà arrivé de vous demander ce qui existait avant le (World Wide) Web que nous connaissons aujourd'hui ? Avant que les navigateurs graphiques ne deviennent la norme. Vous aviez déjà entendu parler de Netscape, Mosaic, voire du premier navigateur qui fut World Wide Web lui même. Mais saviez-vous qu'il existait une autre technologie prometteuse pouvant organiser l'information en ligne ? ✨ Gopher ✨

Gopher : avant le Web

Véritable pionnier de l'Internet, Gopher a connu son heure de gloire avant de sombrer dans une relative obscurité. En anglais, Gopher fait référence aux animaux appelés les Géomyidés ou encore gaufres à poche, rats à poche.

Gopher, l'animal

(Photo par Nina)

Aux origines de Gopher, par le menu

Gopher a été créé en 1991 à l'Université du Minnesota par une équipe dirigée par Mark P. McCahill. Selon la légende, son nom est un jeu de mots astucieux : il fait référence à la fois au verbe go for (aller chercher), qui décrit sa fonction, et à la mascotte de l'université (le Golden Gopher).

Minnesota Golden Gophers

L'objectif de Gopher était simple : proposer un système de distribution de documents facile à utiliser et à mettre en œuvre. Contrairement à la complexité naissante du web, Gopher proposait une hiérarchie de menus textuels. Imaginez une série de dossiers et de fichiers, comme sur votre ordinateur. Pour trouver une information, vous naviguiez de menu en sous-menu jusqu'à atteindre le document final (texte, image, ou même son). C'était bien évidemment inspiré des façon de penser de l'époque et des interfaces que l'on pouvait rencontrer dans les menus, sous-menus, sous-sous-menus. Mais tout était organisé de manière logique et prévisible, sans se reposer sur les (anarchiques ?) liens hypertextes.

Gophie

Il existait même un moteur de recherche nommé Veronica !

Veronica Gopher

Gopher, c'était bien ?

Gopher reposait sur plusieurs atouts bien pensés 👍

  • Son interface à base de menus était très facile à prendre en main pour les débutants.
  • L'organisation hiérarchique empêchait de se "perdre" et rendait les ressources faciles à cataloguer.
  • Le protocole était très peu gourmand en bande passante, un avantage crucial à l'ère des modems, alors qu'AOL vient tout juste d'annoncer la fin de ces connexions antiques.

Cependant, cette simplicité est devenue sa plus grande faiblesse 👎

  • Chaque élément (texte, image) était un item de menu distinct, rendant l'expérience moins intégrée et intéressante que sur une page web.
  • La structure en menus ne permettait pas la richesse et la flexibilité du langage HTML, qui pouvait mélanger texte, images et liens sur une même page. Évidemment pas de scripts ni de styles.

Aperçu de Gopher

Le protocole Gopher

Le protocole Gopher est très simple comparé à HTTP. Une communication avec un serveur Gopher se résume à une seule chose : le client envoie une chaîne de caractères qui identifie la ressource demandée, et le serveur répond en envoyant la liste du menu ou le fichier lui-même. Le port TCP 70 fut assigné par la RFC 1436, tandis que le 80 reviendra bien entendu à HTTP.

Voici à quoi ressemble une réponse pour un menu :

iBienvenue sur le serveur Gopher !  fake    (NULL)  0
1Documents importants   /docs   gopher.exemple.com  70
0À propos de ce serveur /about.txt  gopher.exemple.com  70
9Image du jour  /image.gif  gopher.exemple.com  70

Chaque ligne représente un item du menu et contient :

  • Un type de document (ici i pour info, 1 pour un sous-menu, 0 pour un fichier texte, 9 pour une image binaire... ce qui ne laissait pas beaucoup de place à la folie)
  • Le nom affiché à l'utilisateur
  • Le sélecteur pour accéder à la ressource
  • Le nom de domaine du serveur
  • Le port (toujours 70 pour Gopher donc)

Cette simplicité en mode texte a permis de créer rapidement des clients et des serveurs. Vous pouvez le tester très facilement avec curl qui est un outil en ligne de commande extrêmement courant lorsqu'on développe, et qui est très connu pour son support HTTP mais moins pour celui de Gopher, et pourtant, cela fonctionne parfaitement :

curl gopher://gopher.floodgap.com/

La montée du Web et une décision fatale

La venue du "World Wide Web" a fait disparaître Gopher.

En 1993, le lancement du navigateur Mosaic a tout changé. Pour la première fois, les utilisateurs pouvaient "voir" des images directement intégrées dans le texte, cliquer sur des liens et profiter d'une expérience visuelle "riche" même si très fade par rapport à ce qu'on peut obtenir aujourd'hui. Gopher était très austère et... dépassé.

Navigateur Mosaic, capture d'écran

La même année, l'Université du Minnesota a annoncé son intention de demander des frais de licence pour l'utilisation commerciale du logiciel serveur Gopher, ce qui n'a jamais été une bonne idée sur internet : bien que cette décision ait été annulée, elle a créé un climat de méfiance et les entreprises s'en sont détournées ; tandis que le CERN annonçait que la technologie web serait libre de droits pour tous et pour toujours. Le choix était facile à faire.

Gopher a également inspiré le plus récent protocole Gemini pour accéder à des documents distants.

Gopher aujourd'hui

Gopher est-il complètement mort ? Pas tout à fait. Comme toujours, il subsiste une petite communauté de passionnés qui continue de faire vivre le *Gopherspace". Quelques centaines de serveurs sont encore actifs, maintenus par des amateurs d'informatique rétro.

Il est encore possible de naviguer sur Gopher :

  • Avec le proxy web le plus connu : gopher.floodgap.com agissant comme une passerelle, vous permettant de consulter des sites Gopher depuis votre navigateur habituel. GopherProxy est un équivalent.
  • Avec des navigateurs modernes, des extensions comme Overbite pour Firefox permettent de transformer votre navigateur en pseudo-client Gopher, ou l'extension Burrow pour Chrome.
  • Avec des clients dédiés, des programmes comme Lynx (un navigateur en mode texte qui a longtemps permis de tester une navigation basique et sans JavaScript) supportent nativement Gopher, ou encore Gophie un client multiplateforme écrit en Java.

Cet univers parallèle de Gopher est un extrait intriguant de ce qu'aurait pu être Internet : un espace plus lent, plus structuré, entièrement textuel et décentralisé.

Commentaires

Merci pour cette rétrospective, sous forme de nostalgie.

J'ai encore dans l'oreille le chuintement bien typé des modems analogiques. En faire fonctionner un sous Redhat 2.0 en console texte était parfois vu comme une victoire. J'en ai un carton plein, je ne me résigne pas à les jeter à la poubelle.

Tout va trop vite dans notre domaine, allons-nous suivre pendant longtemps ?

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